Temps de travail étudiant, temps de travail enseignant ?

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Les moyens numériques actuels permettent à l’enseignant de concevoir des scénarios de formation alternant des phases en présentiels et des phases à distance. Cette possibilité change fondamentalement la temporalité du processus enseignement apprentissage. On prend pourtant encore trop souvent le seul temps « en présentiel » pour référence pour calculer le temps de travail étudiant et le temps de travail enseignant.

Lorsqu’on s’inscrit dans une approche par compétence, il est fréquent de proposer aux étudiants un environnement d’apprentissage élaboré. Cet environnement fait généralement apparaître une ou plusieurs situations complexes. Elles sont d’ailleurs souvent collectives et demandent des temps de collaboration. Ces situations induisent un investissement et un travail important pour l’étudiant et engendre nécessairement des réponses individualisées.  Ces tâches complexes peuvent souvent être complétées par des modules de formation complémentaires permettant aux étudiants de cibler des points particuliers en termes de savoirs ou de procédures. Ne constituant pas le cœur de la formation, il est fréquent de constituer  ces modules sous forme autonome en offrant des possibilités d’auto-évaluation des étudiants.

Prenons un exemple concret. Il m’arrive d’encadrer des stages de formation continue pour les enseignants. Ces stages se déroulent actuellement en présentiel sur deux jours. Ce qui je vous l’accorde est très court pour penser modifier les pratiques d’enseignement en profondeur. Admettons que pour plus d’efficacité, j’organise une journée où je précise le travail à effectuer. Les enseignants travaillent quelques semaines en s’appuyant sur des modules complémentaires de formation que je leur propose en fonction de leurs difficultés. Ils produisent à terme une production relative à l’organisation de leur enseignement qu’il me dépose dans une zone de dépôt. Je m’engage à réguler ce travail. A l’issue de cette phase je propose une journée de synthèse. Dans cette deuxième phase, le temps de travail n’est pas le même ni pour les stagiaires, ni pour le formateur. Le présentiel n’est significatif de rien, ni pour les formés, ni pour les formateurs.

Le rapport au temps est changé. Les temps de formation sont dilatés.

Il est dès lors tout à fait légitime, voir incontournable de se poser la question du temps de travail étudiant. En 3e année dans mon université les étudiants ont 26 heures de cours réparties sur 4 jours, le 5e jour ils sont en stage. Les étudiants ont donc 6 à 7 h de cours par jour. Si chaque discipline fonctionne  en proposant des tâches complexes à réaliser et, en même temps, complémente le dispositif par des modules complémentaires obligatoires  se faisant en dehors des cours, le temps dont dispose l’étudiant pour travailler va vite devenir insuffisant. Dans ma formation,  il est impossible pour l’étudiant de tout faire. Il est obligé de faire des choix, de délaisser certains modules… Le nombre d’heures en présentiel ne veut donc plus rien dire et il est absolument  nécessaire d’estimer la charge de travail totale de l’étudiant pour juger de la faisabilité d’une formation. Le système de crédit est d’ailleurs conçu à la base dans cet esprit puisque 1 crédit représente entre 20 et 25 h de travail étudiant. En France pourtant on semble ne pas prendre en compte ce principe. 

Qu’en est-il du temps de travail enseignant qui lui aussi est calculé sur une base de présentiel. Le fonctionnement en tâche complexe entraîne souvent une augmentation du temps de régulation pour l’enseignant, le travail par module complémentaire va nécessairement impliquer un important travail de conception. Non seulement donc l’enseignant doit maîtriser le contenu de son cours (ce qu’il faisait déjà dans une approche par les savoirs), mais il doit en plus réguler la tâche complexe, et peut-être concevoir des modules complémentaires de formation. Là encore le temps en présentiel ne veut plus rien dire. Le présentiel n’est plus, et de plus en plus, que la partie visible de l’iceberg, or c’est bien sur cette partie visible qu’est comptabilisé le temps de travail des enseignants. Cela ne tient pas. Pourquoi ne pas admettre un calcul différent du temps de travail. En différenciant de manière responsable et réfléchi le temps de conception, le temps en présentiel, et le temps de régulation comme le font les formations entièrement à distance.  Cela existe au Canada, en Belgique pourquoi pas en France.

L’approche par compétence nécessite de concevoir d’autres formes de travail. Pour que les innovations soient possibles il est nécessaire de remettre à plat le calcul du temps de formation, pour les étudiants mais aussi pour les enseignants.

 

 

 

 

Une réflexion au sujet de « Temps de travail étudiant, temps de travail enseignant ? »

    lorcapierre a dit:
    janvier 22, 2015 à 2:41

    Cet article pourrait être repris à plus grande échelle: educpro par exemple.

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